Le modèle biopsychosocial de la douleur
Quel que soit le (ou les) mécanisme(s) en jeux, la douleur apparaît comme un phénomène multifactoriel. Il s’agit d’un phénomène biomédical qui dépasse l’expression neurologique de stimuli douloureux.
C’est le Dr Engel qui introduira le modèle biopsychosocial de la santé. Le Dr Waddell l’adaptera au phénomène douloureux en 1992. Le développement, la persistance et le retentissement de la douleur sont à mettre en lien avec de nombreux déterminants qui interagissent entre eux. Il s’agit d’un système de causalités complexes, multiples et circulaires. Ces déterminants sont de trois ordres : biophysique, psychologique et social.
Les déterminants biophysiques se réfèrent d’une part à la description sensorielle de la douleur (son intensité, sa localisation, son mécanisme lésionnel, son évolution et sa variabilité dans le temps, les antécédents médicochirurgicaux, etc.) et d’autre part aux caractères physiques de l’individu (âge, caractéristiques génétiques, comorbidité, etc.).
Les déterminants psychologiques renvoient aux processus cognitifs, affectifs, émotionnels et comportementaux susceptibles d’influencer la perception de la douleur ainsi que les réactions de l’individu (les troubles anxieux et dépressifs, le risque suicidaire, le vécu d’un traumatisme, la perturbation des relations sociales, les comportements d’évitements, les croyances de l’individu ainsi que ses attentes par rapport à la prise en charge, etc.).
Les déterminants sociaux reprennent les influences issues de l’environnement dans lequel l’individu évolue (sociétale, familiale, professionnelle, etc.). L’inactivité professionnelle, la carence sociale ainsi que l’existence d’un contexte médico-légal devront être pris en considération quand cela peut être mis en évidence.
Le syndrome douloureux se caractérise donc par l’interaction complexe de facteurs physiologiques, psychologiques et sociaux. La douleur est ainsi vécue différemment par chacun en raison des interactions uniques et dynamiques entre ces facteurs.
Dans le domaine de la santé, cela fait longtemps que les discours reprenant le terme « bio-psycho-social » abondent.
Je reprends ici deux extraits qui permettent de mettre en exergue l’importance de cette conception de la santé et d’identifier les pièges qui sont associés trop souvent à son usage.
« Plus de trente ans après avoir été proposé par Engel,1,2 le modèle biopsychosocial reste étonnamment mal compris et mal utilisé. Nombreux en effet sont les soignants qui le réduisent à un supplément d’empathie, à ces petites attentions destinées à «humaniser les soins»… et dont on peut à la rigueur se passer lorsque le temps est compté. Nombreux également sont les soignants qui le considèrent comme synonyme de «psy», comme signifiant que certaines maladies résulte raient uniquement d’une problématique émotionnelle. D’autres enfin l’assimilent à une démarche «holistique» aux relents alternatifs, voire mystiques, suspects et incompatibles avec une démarche scientifique rigoureuse. Pourtant, un modèle biopsychosocial bien compris et correctement intégré dans la démarche clinique est un outil diagnostique et thérapeutique puissant, applicable à de nombreuses problématiques de santé.» view (uclouvain.be) (2010)
« Parce que le message sensoriel passe au travers du filtre émotionnel du sujet soumis à de nombreuses influences socio-culturelles et affectives, la douleur est un phénomène complexe et unique à chacun. Autant le modèle biomédical peut aider à la prise en charge de la douleur aiguë ponctuelle, autant il est inadapté à la prise en charge du syndrome douloureux chronique. Le modèle biopsychosocial permet une meilleure approche à condition d’être dans une logique synergique somato-psycho-sociale et non additive. La part subjective du sujet est encore de nos jours trop souvent ignorée. » Des mots pour la douleur | Cairn.info (2021)